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Qu'attendre de la COP22?

Publié le 07 novembre 2016 , mis à jour le 26 juillet 2021

Moins d’un an après la COP21, la ratification rapide de l’accord de Paris par un grand nombre pays, y compris des grands émetteurs comme la Chine, les Etats-Unis, l’Union européenne ou l’Inde, a permis de dépasser le double seuil nécessaire à son entrée en vigueur, qui aura lieu le 4 novembre 2016. Moins d’un an, c’est un temps record pour l’entrée en vigueur d’un accord international.

Le dérèglement climatique continue de s’accélérer

L’atmosphère n’a jamais autant contenu de CO2 : en 2015, nous avons franchi le cap symbolique de 400 parties par millions (PPM) en teneur moyenne de CO2 d’après l’Organisation météorologique mondiale (OMM). L’année 2016 bat aussi tous les records de température de 2015, qui elle-même a été la plus chaude en moyenne que toutes les années précédentes depuis le début des mesures de températures. La partie terrestre du Groenland perd ses glaces plus rapidement que les mesures satellites ne l’avaient jusqu’ici suggéré, alors que la fonte des ces glaces est un contributeur majeur à l’élévation du niveau des mers. Les super-ouragans de catégorie 4 ou 5 seront deux à trois fois plus fréquents sous l’effet du changement climatique. L’ouragan Matthew a déjà fait plus de 400 morts en Haïti. 

Au Sud, les impacts du changement climatique se multiplient. Les sécheresses en Afrique subsaharienne entraînent une augmentation des populations menacées par l’insécurité alimentaire, qui touche déjà plus d’une personne sur dix à l’échelle mondiale. Le changement climatique impacte directement les modes et les conditions de vie des populations les plus vulnérables : d’ici 2050, 200 millions de personnes supplémentaires pourraient devenir des déplacés environnementaux d’après l’ONU.

qu'attendre de la COP22?

L’accélération du changement climatique ne fait plus de doute. Pour autant, près d’un an après la COP21, l’action climatique a-t-elle réellement accéléré pour répondre à cette urgence, favoriser la réduction des émissions de gaz à effet de serre et faciliter l’adaptation des populations aux impacts du dérèglement climatique ? 

Dans l’économie réelle, de plus en plus de signaux montrent que la transition énergétique est en marche.

53% des nouveaux investissements dans les capacités de production d’électricité se sont dirigés en 2015 vers les énergies renouvelables (PNUE, 2016). Le prix de ces dernières continue de chuter, et le solaire est en passe de devenir l’énergie la moins chère du monde au cours de la prochaine décennie. Suite à la COP21, 14% des projets de nouvelles centrales au charbon ont été annulés ; c’est l’équivalent du parc de centrales au charbon de l’Union européenne. Les collectivités territoriales, les ONG et un grand nombre d’entreprises se sont engagées sur le climat et les énergies renouvelables en marge de la COP21 et commencent déjà à agir sur le terrain. 

Cependant, ces signaux positifs et la bonne nouvelle de l’entrée en vigueur de l’accord de Paris ne sont pas suffisants. Cet accord, il est urgent de l’appliquer. 

Que faut-il pour atteindre les objectifs de la COP21?

Pour atteindre les grands objectifs de la COP21, il est impératif que les pays:

  • réduisent leurs émissions de gaz à effet de serre à un rythme nettement plus rapide. Concrètement, les actions déjà prévues nous mènent à un réchauffement supérieur à 3°C, soit bien au-delà de la barre de 1,5/2°C décidée à la COP21. Il faut donc accélérer l’action dès maintenant, en éliminant les énergies fossiles les plus sales le plus tôt possible - le charbon notamment - et en visant une sortie des énergies fossiles d’ici à 2050. Ces énergies fortement polluantes doivent être remplacées par les énergies renouvelables et des économies d’énergies à tous les niveaux.
  • le rôle du secteur de l’usage des sols (agriculture, forêts) et de l’alimentation sera clé pour assurer la stabilisation du réchauffement climatique. Il est crucial de protéger les agricultures familiales paysannes et passer de système agro-alimentaires polluants et intensifs en CO2 à des systèmes durables, re-territorialisés et fondés sur l’agro-écologie paysanne.

Les pays doivent mettre en place des politiques nationales plus ambitieuses pour accélérer la transition énergétique et transformer l’accord de Paris en actes. Il ne le sera pas tant que de nouveaux projets climaticides continueront à être mis en œuvre. D’après une nouvelle étude de Oil Change International (septembre 2016), la production attendue des "réserves développées" d’hydrocarbures et de charbon représente un potentiel d’émissions de gaz à effet de serre supérieur au budget carbone associé à l’objectif de 2°C. L’étude conclut qu’il ne faut plus développer de nouveaux gisements de pétrole ou de gaz, mines de charbon ou infrastructures de transport d’énergies fossiles. Il faudra aussi interrompre la production de certains gisements et mines actuellement en opération avant que ces derniers n’aient été totalement exploités. 

Or, les projets climaticides sont loin d’avoir disparu. La multinationale TransCanada attaque l’administration Obama suite à sa décision de ne pas construire le pipeline KeyStone XL. Le gouvernement canadien de Justin Trudeau vient d’autoriser la construction d’une méga-infrastructure de production et d’exportation de gaz, d’une valeur de 11 milliards de dollars canadiens. La France n’a toujours pas abandonné le projet de nouvel aéroport de Notre Dame des Landes, malgré les récentes alertes de la Commission européenne, et envisage de construire une deuxième autoroute payante, parallèle à l’existante, entre Lyon et Saint-Etienne, et financée avec l’argent public de l’Etat et des collectivités territoriales (840 millions d’euros d’argent public). En Europe, il reste de nombreux projets de nouvelles centrales au charbon, notamment en Pologne. 

Collectivement, les organisations de la société civile attendent des gouvernements réunis à la COP22 à Marrakech qu’ils donnent les preuves de leur engagement en faveur de l’accélération de l’action climatique. C’est le moment de transformer le texte et la vision de la COP21 en réalité.

Dans ce contexte, la COP22 doit acter des décisions qui permettront de renforcer l’action immédiate dans les pays. À la conférence de Marrakech, les gouvernements devront en particulier répondre au besoin criant de justice climatique entre les pays du Nord et les pays du Sud. La crise climatique frappe de plein fouet les populations les plus démunies de la planète, qui sont pourtant les moins responsables des émissions de gaz à effet de serre. Depuis 2009, des financements sont promis aux pays du Sud. La feuille de route publiée par les pays riches en octobre montre qu’en 2020, on devrait s’approcher de l’objectif de 100 milliards de dollars par an (promis en 2009). Mais les actions concrètes pour que les populations puissent faire face aux impacts croissants du dérèglement climatique sont toujours sous-financées : le Fonds Vert, par exemple, ne parvient pas encore à remplir pleinement cet objectif. 

À Marrakech, les pays doivent aussi boucler les dossiers inachevés à la COP21 et s’assurer que le cadre international créé par l’accord de Paris se développe et continue de renforcer la coopération entre États. Il faudra notamment préciser les règles de mise en œuvre de l’accord de Paris, qui n’est pour l’instant qu’un cadre général. En particulier, les pays devront préciser les règles permettant d’assurer la transparence sur les actions mises en oeuvre pour respecter leurs engagements. Ils devront enfin préciser les modalités de la “clause de revoyure” tous les cinq ans, qui s’organise autour d’un bilan mondial et doit permettre de relever les engagements nationaux dès 2018. 

 

Si la transition énergétique est amorcée, il reste encore beaucoup à faire pour répondre pleinement à la crise climatique. 

 

Découvrez la note à destination du gouvernement explicitant la position des ONG françaises pour la COP22. Note rédigée par le Réseau Action Climat, Care , Secours Catholique, CCFD-terre solidaire, Oxfam et France Nature Environnement.

 

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