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10 ans pour rallier biodiversité, agriculture et économie

Publié le 09 février 2021 , mis à jour le 07 juillet 2022

Depuis 2008, les pouvoirs publics ont donné au monde agricole de grands objectifs à atteindre sans leur en donner les moyens. Dans notre enquête publiée le 9 février, nous démontrons en effet que sur 23,2 milliards d’euros de fonds publics perçus annuellement, 11% ont une intention de réduction et moins de 1% a un effet avéré sur la réduction des pesticides.

Alors que la France ambitionne d’en réduire l’usage de 50% à horizon 2025, c’est le contraire qui se produit depuis 10 ans (+25%). Comment changer la donne ? La FNH propose une feuille de route articulée autour de trois objectifs prioritaires : accompagnement des agricultrices et agriculteurs, responsabilisation de l’ensemble des acteurs de l’alimentation et organisation du renouvellement des générations...

Rapport

Réduction des pesticides en France : Pourquoi un tel échec ?

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« Nous sommes à un moment charnière »

Depuis quelques semaines, la France a lancé la préparation de la déclinaison française de la PAC. Nous avons moins de 6 mois pour soumettre ce Plan Stratégique National (PSN) à la Commission Européenne. Le nouveau modèle de mise en œuvre de la PAC donne aux États membres une marge de manœuvre plus importante dans le niveau et le type de réponses qu’ils comptent apporter à l’urgence environnementale et sociale via ces PSN pour les prochaines 5 à 7 années. Nous devons être exigeants. Car la PAC est de la plus haute importance au regard du plan Ecophyto. Elle représente 43% des financements publics soit entre 9 et 11 milliards d’euros par an environ. Sans une PAC transformée, le plan Ecophyto continuera d’échouer.

Car l'écartèlement en cours de l’agriculture française en faveur des systèmes agricoles les plus utilisateurs de pesticides montre l’importance de transformer les politiques publiques aujourd’hui. Les prochaines années seront déterminantes pour au moins 57% des agricultrices et agriculteurs qui se trouvent sur une ligne de crête, tiraillés entre deux visions de l’agriculture.

Les financements publics et privés doivent aider nos agriculteurs à changer de modèle

2min

D’ici 6 ans, 45% des agriculteurs seront en âge de partir à la retraite et les chiffres d’hier ne sont pas rassurants sur le renouvellement des générations : nous avons perdu 50% des agriculteurs et des exploitations en 30 ans…

Enfin, nous vivons depuis 30 ans un effondrement sans précédent de la biodiversité pour lequel l’usage des pesticides joue un rôle central comme l’a rappelé l’IPBES qui, couplé au changement climatique, n’aidera en rien l’agriculture à retrouver une bonne santé si cette dernière ne se transforme pas immédiatement.

IPBES : Alerte sans précédent sur la biodiversité !

« Mettre en place une feuille de route autour de 3 objectifs prioritaires »

L’argent est sur la table. Selon notre enquête, 23,2 milliards d’euros de financements publics et 19,5 milliards d’euros annuels de financements privés sont destinés aux acteurs de l’alimentation tous les ans. Ces derniers participent à maintenir le statu quo de notre système agricole et alimentaire en place.

Alors comment changer la donne ? Non pas en mettant sur la table des financements complémentaires, mais rééquilibrant les financements publics et privés existants pour qu’ils accompagnent pleinement les agriculteurs, responsabilisent l’ensemble des acteurs de la filière et participent à créer des vocations pour contribuer au renouvellement des générations.

Pour cela, deux outils principaux sont à mobiliser :

1. La PAC et notamment sa déclinaison nationale. Elle joue un rôle moteur. Ainsi, son application nationale - via le Plan Stratégique national - devra pousser tous les curseurs et en particulier :

  • 5 fois plus de moyens pour rémunérer les systèmes de production en agriculture biologique et accompagner la conversion ;
  • 40% du premier pilier dédiés à des paiements aux agriculteurs pour les services environnementaux qu’ils fournissent ;
  • Ne préserver que quelques “Mesures agroenvironnementales et climatiques systèmes” et renforcer très fortement leurs ambitions et leur financement ;
  • Transformer la Dotation Jeune Agriculteur en une dotation avec une aide largement bonifiée pour les installations en agroécologie sans critères d’âge ;
  • Soutenir les démarches d’accompagnement de collectifs engagés dans l’agroécologie et l’alimentation durable ;
  • 63 millions d’euros de financements annuels pour la mise en place de 1 254 Projets Alimentaires Territoriaux Écologiques et Solidaires en France.

Découvrir l'ensemble de nos propositions pour le Plan Stratégique national

2. Les financements nationaux, qui comptent pour 53 à 60% des financements publics au système agricole et alimentaire. Ils sont donc un levier incontournable dans la dynamique de réduction des pesticides. Notamment, la mise en place d’une fiscalité bonus-malus bien pensée, basée sur le principe pollueur-payeur peut être un outil efficace pour à la fois responsabiliser l’ensemble des acteurs du secteur alimentaire et non pas uniquement les agriculteurs : distributeurs et transformateurs, grande distribution et producteurs de pesticides… (malus) et accompagner les agriculteurs dans la transition (bonus).
En effet, sans un engagement plein et entier de l’ensemble du secteur comme de leurs financeurs privés, les objectifs seront loin d’être atteints et les agriculteurs resteront les seuls à faire les efforts nécessaires. Selon France Stratégie par exemple, “pour atteindre l’objectif de réduction d’usage des pesticides de 50 % en 2025, il serait nécessaire de tripler le prix des pesticides”.
Nous demandons aux pouvoirs publics de rouvrir le chantier de la fiscalité agricole et de donner dès le prochain projet de loi de financements un signal sur ce dossier.

Au-delà de ces deux priorités sur les financements publics et privés, il s’agit d’offrir une cohérence des politiques publiques et la pleine mobilisation des acteurs privés. Cela suppose par exemple de raisonner en termes de frontières également : Les agriculteurs ne pourront s’assurer un avenir économique que si, et seulement si, la concurrence internationale ne s’avère pas déloyale. Un règlement européen doit permettre d’appliquer aux produits importés les mêmes standards de production sanitaires et environnementaux que ceux de l’UE, y compris sur l’usage des pesticides.

Rapport

Réduction des pesticides en France : Pourquoi un tel échec ?

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La cohérence des politiques publiques et l’engagement des acteurs privés ne serviront pas seulement la cause de la biodiversité. Ils peuvent être le fondement d’un nouveau contrat entre l’agriculture et la société, mettant fin à la dissonance historique entre les objectifs assignés à l’agriculture et les moyens qu’on donne aux acteurs pour y répondre.

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