Décryptage

5 ans après l’Accord de Paris, les pays ne tiennent pas leurs promesses

Publié le 02 décembre 2020 , mis à jour le 12 janvier 2021

Le 12 décembre 2015, le coup de marteau final retentissait au Bourget. Que reste-t-il aujourd’hui des effusions et des applaudissements de la COP21 ? Un paquet de promesses à tenir. L’Accord de Paris, qui fixe l’objectif de limiter le réchauffement planétaire à +2°C, et autant que possible à 1,5°C, n’est toujours pas respecté, y compris par la France et l’Europe. 

Des objectifs posés mais des actes qui ne suivent pas

L'Accord de Paris prévoit que chaque pays fixe ses propres objectifs et plans de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Il établit aussi l’obligation pour les Etats de revoir à la hausse leurs objectifs et plans, actuellement insuffisants pour limiter le réchauffement de la planète à 1,5°C ou même 2°C, tous les 5 ans. La COP26, qui devait enregistrer ces plans à la hausse, est malheureusement reportée d’un an à décembre 2021 à cause de la crise sanitaire. 

 Sur le papier, les Etats commencent à jouer le jeu : 

  • La Chine a ouvert le bal en septembre 2020, lors de l’assemblée générale des Nations unies, en annonçant un nouvel objectif de neutralité carbone en 2060 et un pic de ses rejets de CO2 avant 2030 – et non plus “autour” de 2030. 
  • L’Europe est également en passe de relever son objectif à “au moins 55%” de baisse des émissions de gaz à effet de serre en 2030 par rapport à 1990, contre 40% aujourd’hui. 
  • Aux Etats-Unis, Joe Biden s’est engagé à faire voter des réformes pour mettre les États-Unis sur la trajectoire d'une neutralité carbone en 2050, et à réintégrer son pays à l’Accord de Paris dès son arrivée au pouvoir.

Mais dans les faits, la trajectoire n’est pas respectée

Si sur le papier, les Etats posent des objectifs, les engagements politiques doivent être suivis de mesures concrètes et ambitieuses, pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, que ce soit dans la production d'énergie, dans les transports, dans l'agriculture... Or dans les faits, la trajectoire fixée à Paris n’est pas respectée, en particulier par les vingt premières puissances économiques mondiales (G20), responsables de ¾ des émissions de CO2 totales. Avec les mesures actuelles, le monde se dirige toujours vers un réchauffement de 3°C ou plus. 

Si les émissions des pays du G20 ont très légèrement baissé en 2019, les plans de relance prévus en réponse à la crise sanitaire sont loin de prolonger cette tendance baissière : environ 54 % des montants de la partie “énergie” des plans de relance sont destinés aux énergies fossiles, selon un rapport de Climate Transparency de 2020. Un rebond des émissions des pays du G20 semble inéluctable. Pour mémoire, les émissions de gaz à effet de serre au niveau mondial devraient culminer en 2020 et commencer à baisser pour espérer tenir les engagements de la COP21.

La plupart des Etats continuent ainsi de donner la priorité aux gains économiques à court terme, au détriment des investissements en faveur du climat et de l’équité entre les peuples : les pays du G20 ont accordé 130 milliards de dollars (110 milliards d’euros) de subventions aux énergies fossiles en 2019, contre 117 milliards de dollars en 2018. 

Pourtant, la gravité - notamment économique - de la situation est largement documentée. 

Selon une étude publiée dans Nature communications, le coût total des dérèglements climatiques atteindraient 126 000 à 616 000 milliards de dollars d'ici 2100 sans nouvelles actions ambitieuses. Pire, si les mesures prévues aujourd’hui ne sont pas appliquées, les pertes approcheraient les 800 000 milliards de dollars dans le pire des scénarios. Soit entre 1,4 et 7,5 fois le PIB mondial actuel.  

La prochaine décennie sera donc déterminante : Climate Action Tracker a publié le 1er décembre 2020 une analyse qui montre que pour espérer respecter les limites fixées par l’Accord de Paris, notamment le +2°C de réchauffement, il est impératif que les grands pays émetteurs réduisent leurs émissions de gaz à effet de serre plus vite et plus fort dans la décennie actuelle, avant 2030. Après, ce sera trop tard...

Où en est la France ?

En France, les limites d’émissions de gaz à effet de serre fixées depuis 2015 pour respecter les trajectoires de l’Accord de Paris ont systématiquement été dépassées (hors période Covid), comme relevé par le Haut Conseil pour le climat et le Conseil d’Etat en 2020 :

  • La réduction des émissions de gaz à effet de serre est encore insuffisante pour atteindre les “budgets” carbone annuels : avec un recul de 0,9 % en 2019, cette baisse est encore très loin des -3% attendus chaque année à partir de 2025.
  • Les retards les plus importants se constatent dans le secteur des transports et du bâtiment, mais aussi de l’agriculture.

Les mesures du plan de relance ne suffiront pas à combler ce déficit d’action. Sans compter que le Parlement s’apprête à relancer l'économie pour sortir de la crise sans même fixer de contreparties climatiques aux entreprises aidées par l’Etat. La France va même autoriser les subventions publiques pour des projets d’énergies fossiles à l’étranger au-delà de 2035 (rappelons que la France est le cinquième pays du G20 à financer le plus d’énergies fossiles…).

L’effort est donc reporté à plus tard, ce qui rend les objectifs de moins en moins atteignables. C’est vrai pour l’objectif prévu actuellement (-40% d’émissions de gaz à effet de serre en 2030 par rapport à 1990), mais ce le sera encore plus si l’Europe vise désormais une baisse d’au moins 55% de ses émissions en 2030 !

Un début d’année 2021, décisif pour remettre la France sur la bonne voie

Alors que les gouvernements de la planète se retrouveront pour une célébration virtuelle de l’anniversaire de l’Accord Paris le 12 décembre, le Président Emmanuel Macron doit se rendre à l’évidence : la nouvelle loi climat de janvier 2021, fruit du travail de la Convention Citoyenne pour le Climat, est sa dernière chance de sortie de cette tragédie du court terme et d’enfin mettre la France sur les rails de l’Accord de Paris. Saura-t-il se hisser à la hauteur de l’Histoire et enfin prendre sa part au plus grand défi que l’Humanité ait jamais eu à affronter ?

La France devra répondre de ses actes devant les tribunaux, avec deux jugements très attendus début 2021 : l’Affaire du Siècle au Tribunal Administratif de Paris et le recours de la commune de Grande-Synthe, rejointe par l’Affaire du Siècle, au Conseil d’Etat.

Décision du Conseil d’État : une avancée historique pour le climat

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