Décryptage

Le déclin massif de la biodiversité (en 8 enjeux clés)

Publié le 31 août 2021 , mis à jour le 24 janvier 2024

Organisé par l’UICN du 3 au 11 septembre, pour la 1ere fois en France depuis 1948, le Congrès Mondial de la Nature à Marseille, sera l’occasion de mettre le projecteur sur le déclin massif que subit la biodiversité. L’UICN a défini 8 enjeux clés qui dressent un constat implacable de l’état de la biodiversité , en France et dans le monde.

Il y a 65 millions d’années, la Terre voyait disparaître les dinosaures. Il s’agissait de la 5e extinction de masse. Les scientifiques parlent aujourd’hui d’une 6e grande crise. Et contrairement aux cinq autres, les activités humaines sont pointées comme les principales responsables…

Le déclin massif de la biodiversité et les espèces : enjeu 1

Les chiffres sont affolants… D’après L’IPBES (rapport de la Plateforme intergouvernementale sur la biodiversité et les services écosystémiques ), 1 million d’espèces animales et végétales sont aujourd’hui menacées d’extinction, dont une grande partie au cours de la prochaine décennie. Au niveau mondial, ce sont plus de 40% des espèces d’amphibiens, 33% des récifs coralliens et plus d’un tiers de tous les mammifères marins qui sont menacés. Déjà depuis 1900, l’abondance moyenne des espèces locales dans la plupart des grands écosystèmes a diminué en moyenne d’au-moins 20%.

Une triste revue qui n’épargne pas la France, bien au contraire ! L’UICN rappelle que notre pays se place parmi les 10 pays hébergeant le plus grand nombre d’espèces animales et végétales mondialement menacés avec 14% de nos mammifères, 24% de nos reptiles, 23% de nos amphibiens, 32% de nos oiseaux nicheurs ou encore 19% de nos poissons d’eau douce. L’épée de damoclès pèse aussi sur 15% de la flore. En outre-mer, la situation est tout aussi dramatique puisqu’un tiers des espèces d’oiseaux de Guadeloupe et de Polynésie française sont menacées d’extinction, 30% des plantes vasculaires indigènes à La Réunion et 43% à Mayotte.

A l’international, pour ne prendre que l’exemple des grands singes (gorilles, chimpanzés, bonobos, orangs-outans et gibbons) , les populations ont chuté de 70% en 40 ans en raison de la déforestation, du trafic illégal d’espèces, du braconnage, du piégeage et des maladies infectieuses

Le déclin massif de la biodiversité et les écosystèmes (forêts, océans, littoraux): enjeu 2


Toujours selon l’IPBES, l’état et l’étendue des milieux naturels ont régressé au niveau mondial : 75 % des milieux terrestres et 66% des milieux marins ont été significativement modifiés par les activités humaines. 23 % des surfaces terrestres ont montré un déclin de leur productivité en raison de la dégradation des sols. Il existe aujourd’hui plus de 400 « zones mortes » océaniques causées par le déversement d’engrais, dont la superficie totale dépasse celle du Royaume-Uni.

IPBES : Alerte sans précédent sur la biodiversité !

La France n’est pas épargnée par la disparition des écosystèmes. Notre pays a perdu 50 % de ses zones humides depuis 1960. Plus de 36 000 hectares de zones de nature remarquable ont disparu entre 1990 et 2012. Aussi, seuls 20% des habitats naturels d’importance européenne, présents en France, sont en bon état de conservation.

Le déclin massif de la biodiversité et les aires protégées : enjeu 3

L’ensemble des aires protégées en France couvre 29,5 % du territoire terrestre et 23,5 % du domaine maritime. Celles-ci sont indispensables à de nombreux points de vue, notamment en matière de lutte contre le dérèglement climatique. En effet, les aires protégées renferment au moins 15 % des réserves de carbone terrestre de la planète ; les océans en constituent les plus grands réservoirs. En captant et stockant le carbone, ils contribuent à l’atténuation des changements climatiques.

Les solutions fondées sur la nature pour lutter contre le changement climatique (SfN) : enjeu 4

Dans le monde, les écosystèmes naturels absorbent environ la moitié des émissions de CO2 générées par les activités humaines, chaque année. L’UICN se mobilise donc pour protéger ses réservoirs naturels de carbone pour éviter que le carbone stocké ne soit rejeté dans l’atmosphère. L’idée est ainsi de développer des solutions fondées sur la nature pour lutter contre le changement climatique qui s’appuient sur la réparation, la gestion, voire la création d’aménagements impliquant une gouvernance entre les acteurs et les populations locales pour mettre en place des solutions pérennes et durables. Concrètement, ces solutions visent par exemple à réduire l’intensité des inondations en recréant les méandres d’une rivière pour ralentir son débit dans les endroits critiques, à laisser une couverture végétalisée sur les versants afin de stocker l’eau, à restaurer les zones humides qui absorbent l’eau et la rendent de manière progressive, à aménager des zones d’expansion de crues sur les zones de débordement….

Le déclin massif de la biodiversité et la déforestation importée : enjeu 5

Elle concerne l'importation de biens dont la production a contribué, directement ou indirectement, à la déforestation ou à la conversion d'écosystèmes forestiers naturels. C’est un problème qui concerne très directement l’Europe puisqu’elle constitue le 2ème importateur mondial de matières premières ou de biens responsables de la déforestation. En cause le soja pour l’alimentation animale, l’huile de palme pour les agro carburants et les produits agroalimentaires, le bois pour l’ameublement et la biomasse, l’hévéa pour le caoutchouc, le bœuf ou encore le café, le thé et le cacao. Un chiffre sur la déforestation importée ? Selon l’UICN, elle représente chaque jour la destruction de deux fois la surface de Paris (à savoir 2X 10600 hectares de forêts tropicales) !

Le déclin massif de la biodiversité et l’artificialisation des sols : enjeu 6

L'artificialisation des sols désigne toutes les surfaces que l’on a détournées de leur état naturel ou de leurs usages forestiers ou agricoles. Elle prend compte l’étalement urbain, les zones industrielles et commerciales, les infrastructures de transport, les mines et carrières à ciel ouvert, les décharges et chantiers, les espaces verts urbains et les équipements sportifs et de loisirs.

En supprimant les milieux naturels d’origine, l'artificialisation contribue à fragmenter les écosystèmes ce qui impacte les populations d’espèces vivant dans ces milieux , notamment pour leur déplacement. La croissance des zones urbaines a augmenté de 100% depuis 1992, tandis que 25 millions de km de nouvelles routes goudronnées sont prévues dans le monde d’ici 2050, dont 90% des pays en voie de développement.

En France métropolitaine, cette urbanisation représente environ 66 000 hectares par an. Cela représente la taille du département de la Seine et Marne. Aujourd’hui, 9,4% du territoire métropolitain est artificialisé et le chiffre progresse chaque année.

Le déclin massif de la biodiversité et les pesticides: enjeu 7

L'utilisation abusive des pesticides a un impact désastreux sur la biodiversité, mais aussi sur la qualité de l'eau, celle des sols et la santé.

Les impacts des pesticides sont particulièrement criants en ce qui concerne les populations d’insectes et aussi les oiseaux des milieux agricoles. En France, les oiseaux dits spécialistes présents en milieux agricoles ont diminué de 30%.

L’évaluation mondiale de l’impact des pesticides systémiques sur la biodiversité et les écosystèmes, réalisée par les experts de l’UICN en synthétisant 1 121 études, montre aussi qu’une cause importante du déclin des pollinisateurs est l’utilisation de pesticides. Pourtant, plus de 75% des cultures vivrières mondiales dépendent de la pollinisation par les animaux.

Notons que la France figure parmi les principaux pays utilisateurs de pesticides en Europe et que le recours aux produits phytosanitaires continue d’augmenter depuis 2008.

Réduction des pesticides : 1 % des financements publics est réellement efficace

La biodiversité en outre-mer: enjeu 8

Grâce à ses territoires d’outre-mer et son domaine maritime de 11 millions de km2 couvrant les océans Atlantique, Indien et Pacifique, la France fait partie des 15 pays du globe qui abritent la plus grande diversité biologique. Une biodiversité (souvent méconnue) qui rend et rendra à l’être humain des services remarquables, en termes de pharmacopée par exemple ou de nurserie à poissons, comme c’est le cas pour les récifs coralliens ou les mangroves. Pourtant, là encore les chiffres font froid dans le dos : 50% des récifs coralliens ont disparu depuis les années 70 et près de 33% des récifs restants sont menacés, tandis que l’étendue naturelle des forêts de mangroves a chuté de plus de 75%.

Ces huit enjeux clés ont guidé l’élaboration de recommandations politiques qui seront discutées à Marseille et contribueront à définir les prochains objectifs pour la protection de la biodiversité à 2030, qui seront établis à la COP15 biodiversité.

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