Propositions

Oui, les alternatives techniques aux néonicotinoïdes existent.

Publié le 03 mai 2016 , mis à jour le 19 novembre 2020

Au cours de l’examen du projet de loi biodiversité en deuxième lecture (mai 2016), les sénateurs devront se prononcer sur l’interdiction des insecticides néonicotinoïdes. Les apiculteurs, les paysans et les représentants d’organisations environnementales appelent solennellement à maintenir l’interdiction de ces produits car les alternatives techniques aux néonicotinoides existent.

Impacts désastreux des néonicotinoïdes pour les abeilles et la biodiversité et risques d’effets chroniques pour la santé humaine

Depuis le milieu des années 1990, l’apiculture est dans une situation grave car chaque année, 30% des colonies d’abeilles périssent, obligeant les apiculteurs à renouveler les ruches décimées. Avant 1995, date de l’apparition des néonicotinoïdes sur le marché français, les mortalités avoisinaient les 5%. Les abeilles domestiques ne sont pas les seules victimes. De nombreuses composantes de notre environnement sont également touchées : pollinisateurs sauvages, vie aquatique, oiseaux, etc. Par ailleurs, les premiers signaux d’alarme apparaissent sur la santé humaine (consultez notre document en bas de page néonicotinoides et santé)

Un irréfutable consensus scientifique sur la dangerosité de ces produits 

Bien sûr, nous entendons encore tel ou tel expert nier l’impact catastrophique de ces produits. Mais il est aujourd’hui indéniable que la question fait l’objet d’un large consensus scientifique : le rapport de l’ANSES du 14 septembre 2015, l’avis de 27 Académies des Sciences de l’Union européenne, les conclusions de la méta-analyse de 1121 articles scientifiques parus dans des publications à peer review réalisée par la Task Force on Systemic Pesticides... Ce ne sont que des exemples parmi des centaines d’études. 

Le poids des insectes pollinisateurs dans la production agricole : 153 milliards de dollars par an 

D’un point de vue strictement économique, un seul chiffre permet d’illustrer le rôle des insectes pollinisateurs : à l’échelle mondiale, l’INRA a évalué les services non marchands de la pollinisation à 153 milliards de dollars/an. 

Pas d’augmentation des rendements en grande culture avec les néonicotinoïdes. Et oui, les alternatives existent.

De nombreuses études montrent que l’utilisation de ces insecticides ne provoque pas d’augmentation de rendement sur les céréales et les oléagineux par rapport aux mêmes cultures non traitées. On dispose de comparaisons intéressantes pour le Royaume-Uni, le Canada, l’Italie, les États-Unis, et l’Union Européenne. L’Allemagne en a interdit l’usage sur les céréales d’hiver et continue d’être le second producteur européen de céréales. Par ailleurs, il existe des alternatives pour les productions, puisque de nombreux agriculteurs cultivent sans utiliser les néonicotinoïdes. 

Pas de réduction significative de l’intoxication sans interdiction de ces insecticides 

Le 7 janvier 2016, le gouvernement a reçu un éclairage de la part de l’ANSES sur cette question précise de l’interdiction des néonicotinoïdes. L’avis conclut « qu’en l’absence de mesures de gestion adaptées, l’utilisation des néonicotinoïdes a de sévères effets négatifs sur les pollinisateurs, y compris à des doses d’exposition faible ». Sur la question des « mesures de gestion adaptées », les propriétés des néonicotinoïdes (systémie, grande toxicité, persistance dans les sols, etc.) ont pour effet d’anéantir l’efficacité des mesures d’atténuation de risques ou d’interdictions partielles. Le retrait des autorisations de mise sur le marché du Gaucho sur le tournesol et le maïs ou la suspension européenne partielle de trois néonicotinoïdes n’ont pas eu d’effets suffisants pour réduire l’intoxication chronique de l’environnement, une intoxication toujours entretenue par les usages encore autorisés sur des millions d’hectares. Il n’y a donc pas de vraie solution sans interdiction. 

Interdire les produits à base de néonicotinoïdes, c’est juridiquement possible et c’est une question de volonté politique

La réglementation européenne ne s’oppose pas à ce qu’un Etat membre interdise l’utilisation de certains produits phytopharmaceutiques sur son territoire. Si la France n’a pas de compétence pour interdire les « substances actives » néonicotinoïdes, elle est souveraine pour interdire les « produits phytopharmaceutiques » contenant ces substances. L’usage des produits phytopharmaceutiques Gaucho (imidaclopride), Régent (fipronil), Cruiser et Cruiser OSR (thiaméthoxam) a été interdit ou suspendu en France soit par la justice soit par décision du ministre. Dans tous ces cas, l'État n'a pas interdit des néonicotinoïdes, mais des produits contenant une substance active de la famille des néonicotinoïdes. L’interdiction des « produits contenant des néonicotinoïdes » relève donc bien du champ de compétence de l’État français et n’empiète pas sur celui de l’Union Européenne. La France peut donc voter leur interdiction totale sans être en désaccord avec la réglementation européenne. 

Il appartient donc aux sénateurs de mesurer l’ampleur du désastre environnemental, sanitaire et agro-économique lié à l’usage des néonicotinoïdes. Dans un sondage récemment paru, 76% des Français se sont dit favorables à l’interdiction de ces produits. Nous en appelons à leur sens de l’intérêt général. 

Pour aller plus loin sur ce sujet vous pouvez consulter :
• la fiche de synthèse dressant la liste des impacts référencés de ces insecticides sur la biodiversité ;
• la fiche de synthèse des rapports et publications scientifiques mettant en évidence les risques d’effets chroniques sur la santé ;
• le bilan des alternatives techniques à ces pesticides, établi en collaboration avec des agriculteurs. 

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