Décryptage

Propriétaires : ce que la Loi Climat changera (ou pas) pour vous

Publié le 06 mai 2021

Les bâtiments représentent 18% des émissions de gaz à effet de serre en France. La rénovation énergétique des logements est donc l’un des principaux leviers d’action climatique… Mais qu’est-ce que la loi Climat et résilience adoptée à l’Assemblée le 4 mai dernier va changer concrètement pour les propriétaires ? On fait le point.

Pourquoi rénover 30 millions de logements pour lutter contre le changement climatique ?

Le logement est l’un des secteurs clés pour réduire nos émissions de gaz à effet de serre et respecter les engagements climatiques du pays. En effet, le secteur du bâtiment absorbe 40% de nos consommations d’énergie et rejette 18% d’émissions directes de gaz à effet de serre. En cause notamment : le chauffage au gaz et au fuel et les logements mal isolés. L’ensemble du parc immobilier français devra faire l’objet de travaux de rénovation énergétique performants et atteindre en 2050 un niveau moyen de consommation énergétique équivalent au label “bâtiment basse consommation” (BBC), soit à peu près l’étiquette A ou B du diagnostic de performance énergétique (DPE).

L’augmentation du nombre d’impayés depuis le début de la crise sanitaire et économique a aussi montré que pour environ 12 millions de Français les factures énergétiques sont trop élevées, les logements sont impossibles à chauffer en hiver ou à refroidir en été. Rénover et isoler les logements est donc un levier majeur d’amélioration des conditions de vie de nombreuses personnes.

 

Si vous êtes propriétaire occupant, pas de travaux obligatoires après la loi Climat

Si, comme 58% des Français, vous êtes propriétaires de votre logement, les travaux ne seront pas obligatoires. La majorité présidentielle a en effet rejeté la proposition de la Convention citoyenne sur le climat : l’obligation progressive de rénovation de tous les logements, à commencer par les “passoires thermiques” (logements très énergivores étiquetés F ou G), associée à une amélioration de l’accompagnement financier et technique par la puissance publique. Il existe pourtant près de 5 millions de passoires énergétiques en France, dont 3 millions habitées par leurs propriétaires (les autres sont en location). 

71% des Français soutenaient cette obligation de rénovation financée (baromètre Ademe 2020). Loin d’être punitive, elle visait d’abord à fixer une exigence de résultats à la puissance publique et aux professionnels du BTP. Elle avait aussi pour but d’alléger les dépenses des ménages vivant dans des passoires thermiques, en divisant par 4 voire 6 leur facture annuelle d’énergie et en rehaussant la valeur de leur bien immobilier. Cette absence d’obligation de rénovation fait craindre au Haut conseil pour le climat et aux ONG de nouveaux retards sur nos objectifs climatiques. Le risque est aussi qu’une obligation s’impose brutalement aux ménages et aux entreprises, mis au pied du mur, sans aucune préparation ni progressivité.

La loi retient toutefois l’obligation de réaliser un audit énergétique (démarche plus complète que le DPE) lors des ventes de maisons considérées comme des passoires énergétiques. L'obligation serait étendue aux logements classés E en 2025.

Si vous êtes propriétaire bailleur, des travaux seront obligatoires d’ici 2025 et 2028 pour les passoires thermiques

La loi prévoit une :

  • Interdiction de hausse des loyers des passoires thermiques (logements F et G du DPE) à partir de 2023 ;
  • Obligation de travaux pour pouvoir louer des logements, à partir de 2025 s’ils sont étiquetés G (cela concerne 600 000 logements), et à partir de 2028 s’ils sont étiquetés F (1,2 million de logements). Cette obligation est étendue aux logements classés E à partir de 2034. Concrètement, ce n’est pas une interdiction ferme de location ; les logements non rénovés seront considérés à partir de ces dates comme “indécents”, c’est-à-dire que le locataire pourra se retourner contre son propriétaire devant les tribunaux, s’il fournit la preuve que le logement entre dans les catégories énergétiques concernées.

Contrairement aux préconisations de la FNH, cette obligation de travaux n’est pas assortie d’une obligation de rénover le logement de manière performante (jusqu’aux étiquettes A ou B du DPE). Une sortie de la catégorie « F » puis « E » suffira, alors que celle-ci ne garantit pas une baisse sensible et durable de la facture d’énergie pour le locataire, ni même l’atteinte des objectifs climatiques de la France…

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Le réseau des espaces FAIRE c’est le service public qui vous guide gratuitement dans vos travaux de rénovation énergétique. Une équipe de conseillers est à votre disposition pour vous informer de la réglementation, des aides financières disponibles, des travaux les plus adaptés pour votre logement ou des moyens pour trouver un professionnel de qualité. 

De grandes incertitudes sur l’amélioration des aides et de l’accompagnement 

Vous espérez peut-être que la loi Climat vous permettra d’accéder à de nouvelles aides pour vos travaux, mais rien n’est moins sûr ! Pour la FNH, il existe toujours un risque d’inadéquation entre les objectifs fixés et les moyens publics dédiés (montants des aides insuffisants, reste à charge encore trop important pour les ménages modestes, ciblage insuffisant sur les travaux les plus performants, faible qualité et réactivité de l’accompagnement fourni par le service public de la rénovation énergétique). La Loi Climat n’a pas clarifié ces aspects, reportés à de futurs décrets et à la loi de finances :

  • Le gouvernement a promis une « pérennisation, voire une hausse » des niveaux d'investissements publics du premier plan de relance. Cette promesse reste à inscrire dans le marbre. Notons que si le plan de relance a ramené l’investissement public aux niveaux de 2018, il faudrait une multiplication par 4 des investissements publics annuels pour respecter les objectifs fixés dans le secteur du bâtiment (source : I4CE).
  • La création d’un « accompagnateur rénovation » est actée dans la loi climat pour aider les ménages de A à Z dans leur projet de travaux (financement, aides, travaux à mener, choix de l’entreprise etc.). C’est une bonne nouvelle. Cependant le dispositif reste entièrement à préciser par décret : à partir de quel montant de travaux doit-on obligatoirement avoir recours à cet accompagnateur (5 000 euros) ? Quelle est la performance énergétique minimale à atteindre après travaux lorsqu’on y a recours ? Comment ce service est-il financé ? Quel est le calendrier ? En outre, ces accompagnateurs pourront être des acteurs publics ou bien privés agréés par l’Etat. Or, les modalités d’attribution de cet agrément ne sont pas connues non plus. Pour la FNH, donner toute sa place à un service public de la rénovation énergétique serait préférable. Les associations tirent d’ailleurs la sonnette d’alarme face à la surchauffe que connaissent actuellement les espaces locaux FAIRE, où les conseillers sont confrontés à 4 fois plus de demandes que l’année dernière, à moyens constants.
  • Un prêt “avance mutation” pas si nouveau : Le prêt avance-mutation existe depuis 2006 (relancé en 2015), mais il est très peu accordé par les banques qui le jugent trop risqué. Il s’agit de permettre aux 5 millions de ménages qui n’ont pas accès aux crédits bancaires (personnes malades, âgées, ou à faible capacité d’emprunt, une fois les aides déduites) d’emprunter pour leurs travaux, la banque se remboursant lors de la future vente du bien ou de la succession. Pour que les banques attribuent enfin ces prêts, la loi Climat prévoit que l’Etat les garantisse partiellement. Pour la FNH, ce dispositif est bienvenu dans certains cas (personnes âgées ou malades issues de la classe moyenne notamment), mais une garantie étatique ne se justifie pas pour les classes aisées. Pour les classes modestes et très modestes, une prise en charge publique à 100% du coût des travaux est souhaitable, afin de réduire structurellement les inégalités sociales. Notons qu’en l’absence de mesure de coercition vis-à-vis des banques, la hausse d’attributions de ces prêts est incertaine : d’autres dispositifs de prêts continuent d’être boudés par les banques même lorsqu’ils sont garantis par l’Etat ou à taux zéro (comme l’éco-PTZ : moins de 25 000 prêts attribués en 2017).

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